Le 3 février 2022, le Mylanoh sombrait au large du Havre. Les trois marins de 17 à 51 ans sont morts. Trois ans après le naufrage, les familles attendent que justice soit rendue.
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C’était il y a trois ans, presque jour pour jour. Le 3 février 2022, le Mylanoh, petit chalutier, quitte le port du Havre pour aller pêcher la coquille. Une sortie habituelle pour Thierry, Hakim et Alan, les trois marins à bord, dont le dernier qui est stagiaire et élève au lycée Anita-Conti à Fécamp.
Mais cette fois-ci, ils ne reviendront pas. Le bateau a sombré en mer, à 12 miles nautiques (soit une vingtaine de kilomètres) au nord-ouest du Havre, sans signaler sa détresse aux secours ou aux autres navires situés à proximité.
Si l’enquête de la gendarmerie maritime est désormais terminée, comme l’indiquait à 76actu l’ancien procureur du Havre Bruno Dieudonné en octobre 2024. La nouvelle Procureur de la République, Soizic Guillaume, n’a pas donné de date de procès au moment où paraissent ces lignes.
Le Bienvenue est-il à l’origine de l’accident ?
Mais alors que s’est-il passé ce 3 février 2022 ? C’est à 20h26 que l’alerte est donnée par le Bienvenue, un chalutier dieppois. L’équipage du navire indique alors : « Je viens de taper dans un truc en faisant route, il y a un bateau qui est la coque en l’air. » La coque en question pourrait être celle du Mylanoh.
Le Parquet du Havre a ensuite été saisi et les enquêtes ouvertes, menées par la gendarmerie maritime et par le Bureau d’enquêtes sur les événements de mer (BEAmer). Différentes hypothèses ont alors été avancées : celle d’une croche sur le fond de mer ou d’une erreur de l’équipage pendant l’action de pêche.
Mais très vite, a été évoquée une autre hypothèse : celle d’une collision avec un autre bateau. Aussi, le 18 janvier 2023, les quatre marins du coquillard dieppois Bienvenue, sur place la nuit du drame, ont-ils été placés en garde à vue, du chef d’ « homicide involontaire », puis laissés libres.
Quelques mois plus tard, en mai 2023, le rapport du BEA Mer (bureau d’enquêtes et d’analyses) indiquait : « Le BEA mer privilégie l’hypothèse de l’accrochage des funes [une sorte de corde qui relie le filet de pêche au chalutier, NDLR] du Mylanoh par le Bienvenue. La situation rapprochée entre les deux navires s’est développée après le changement de route à 180° du Mylanoh, AIS (système d’identification automatique) coupé, alors qu’à bord du Bienvenue la veille n’est pas continue ».
Selon les schémas publiés dans le rapport, le Bienvenue n’aurait pas vu le Mylanoh, qui a fait demi-tour, et aurait percuté les funes de ce dernier provoquant une collision entre les deux navires. Par manque de stabilité, le Mylanoh aurait chaviré très rapidement.
Les familles du Mylanoh attendent des nouvelles
Pour les familles et les proches des victimes, ces trois années paraissent interminables et incompréhensibles. Sans nouvelles des autorités quant à l’avancée du dossier judiciaire, tous se sentent oubliés.
À commencer par David Aubry, le papa d’Alan, 17 ans. La dépouille de son fils n’a jamais refait surface. Un manque cruel pour ce père de famille.
Pour nous, le plus dur c’est de ne pas savoir où il est. Les autres familles peuvent faire leur deuil, nous on ne peut rien faire.
« Vers 20 heures, je lui ai envoyé un message pour savoir à quelle heure il rentrait. » Alan lui a répondu à 20h07. « Il devait rentrer avec Hakim [l’un des marins du Mylanoh décédés] s’il rentrait tard. Et à 22 heures, j’ai eu un coup de téléphone pour me dire que le bateau avait eu un accident. Ça fait drôle », confie-t-il les larmes aux yeux.
Et de répéter inlassablement : « Je veux savoir où ça en est. Mon fils est toujours porté disparu car on n’a pas retrouvé son corps. Ni sa mère ni moi n’avons eu de nouvelles ».
Son petit frère Steven, âgé aujourd’hui de 17 ans comme Alan lors du drame, vit cette absence à sa façon. « Il en parle quand il en a envie. Il dit qu’il manque quelqu’un, confie David Aubry. Avec Alan, on allait pêcher, sa passion, on faisait de la marche à pied, du vélo. Alors on continue à le faire avec Steven même s’il n’est plus là aujourd’hui. »
Christine, la veuve de Thierry, ne peut plus se rendre au petit port
C’est aussi le cas de Christine, la veuve de Thierry, mamie de cinq petits-enfants. Quand l’enquête était toujours en cours, elle se rendait tous les 15 jours à la gendarmerie maritime « pour avoir des nouvelles ».
Aujourd’hui, l’enquête est close mais on n’a pas de nouvelles.
Christine se souvient de ce triste soir du 3 février 2022. Une soirée au cours de laquelle elle a eu un dernier contact avec son mari. « Je l’ai eu vers 19 heures au téléphone et vers 20h30 on m’a appelée et j’ai appris la nouvelle », se remémore-t-elle.
Depuis, le drame, elle ne se rend « plus trop » au marché aux poissons. Plus trop l’envie après ce drame, même si elle n’oublie pas et n’oubliera jamais ce qu’il s’est passé.
« J’étais en mer ce soir-là, indique Kevin, le neveu de Thierry. Je l’ai appris quand c’est passé sur la VHF. Le Bienvenue a dit qu’il avait tapé dans quelque chose et vu la couleur du bateau mais de nuit et avec le bateau retourné on ne peut pas distinguer la couleur. Ils ont dit que le bateau était blanc et bleu. Or la coque d’un bateau est toujours rouge ou noir. »
Et le jeune homme ne décolère pas : « Ça faisait 45 minutes qu’on avait perdu la trace du Mylanoh donc ils ont dû attendre 45 minutes pour savoir ce qu’ils allaient dire. » Ce qu’il veut avant tout, c’est un procès : « Même pas pour dire qu’ils vont aller en prison, mais qu’ils assument. Ça a fait trois morts, ça fait trois ans et toujours pas de procès, c’est inadmissible. Il y a des familles derrière. »
Commémoration avec lâcher de ballons et feu d’artifice lundi 3 février 2025
Et ne pas oublier passe par une commémoration chaque 3 février dans la soirée au pied d’une stèle érigée en 2023 à la mémoire des trois marins devant le nez du paquebot France. Tout comme la marche organisée du petit port au palais de justice en septembre 2023.
Ce lundi 3 février 2025, vers 20h30, et pour la troisième année consécutive, les familles et amis des trois victimes seront présents pour un recueillement avec un lâcher de ballons et un feu d’artifice.
Un moment empli d’émotion auquel devrait se greffer de nombreuses personnes comme chaque année.
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