Un soir de juin 2024 vers 22h15, le commissariat de Villeparisis (Seine-et-Marne) est alerté au sujet d’un différend conjugal. Une patrouille est immédiatement dépêchée avenue de Bretagne. À leur arrivée, un homme sort de l’immeuble en titubant et dégageant une forte odeur d’alcool. Un des policiers procède à son contrôle alors que ses collègues se rendent à l’appartement où ils sont accueillis par une femme encore tremblante.
Elle leur décrit le déroulement de la soirée : « Youssouf est rentré complètement ivre. Sans raison, il s’est mis à déplacer des meubles des enfants et le bruit a réveillé notre fillette qui dort dans le salon. En l’entendant pleurer, il s’est emporté et a jeté une petite table à travers la pièce. Entre deux injures, il a menacé de gifler Aïcha* et de la tuer. Alors j’ai tenté de m’interposer. Il m’a poussé, insultée et a commencé à m’étrangler. »
Après une première vérification d’alcoolémie par éthylotest qui s’avère positive, Youssouf est immédiatement arrêté et conduit en cellule de dégrisement. Un second contrôle effectué par éthylomètre révèle un taux de 1.34 mg par litre d’air expiré soit 2.68 gr par litre de sang.
Alcool et cannabis
Dès le lendemain, Hella se présente au poste de police pour déposer plainte. Elle fournit plusieurs précisions. Au cours de leurs douze ans de vie commune, ils ont eu deux enfants, un garçon de six ans et une fillette de deux ans et demi. Mais ces années ont été ponctuées de plusieurs séparations à cause de son comportement dû à une alcoolisation fréquente, de l’ordre de deux à trois soirs par semaine. Une addiction qui a débuté onze ans plus tôt. Elle rapporte aussi les propos qui l’ont effrayée et l’ont amenée à intervenir. « Quand je la regarde, je vois le Diable ! Je vais lui briser la colonne vertébrale. »
Enfin, elle signale sa décision de mettre fin à sa relation avec Youssouf et signifie aussi sa demande de protection, se sentant en danger.
Un peu plus tard, Hella a été examinée par le médecin de l’Unité médico-judiciaire (UMJ). Il a constaté des traces au niveau du cou compatibles avec une tentative de strangulation et d’autres au niveau des deux seins pouvant résulter d’une forte poussée. Il lui a accordé trois jours d’incapacité totale de travail (ITT) pour les conséquences physiques et psychologiques.
Dans le même temps, les policiers ont fait une enquête de voisinage. Seuls quelques cris, bruits et claquements de porte ont été signalés. Les deux mères du couple ont fait état de plusieurs alertes de la part d’Hella par rapport à l’attitude de Youssouf.
Durant la garde à vue, l’homme a reconnu indirectement les violences. « Si madame le dit, c’est vrai. » Il a aussi avoué avoir fumé du cannabis en plus de l’alcool absorbé.
Déjà condamné pour avoir roué de coups une femme
Jeudi 13 mars, Youssouf a comparu devant le tribunal correctionnel de Meaux. À l’appel de son nom, il est venu seul à la barre. Hella a choisi pour sa part de ne pas assister à l’audience, laissant le soin à l’association d’aide aux victimes AVIMEJ et à son avocate de défendre ses intérêts et ceux de ses enfants.
Pendant le résumé du dossier, il a adopté une attitude traduisant une certaine gêne. La tête penchée, il s’est exprimé d’une voix faible, à peine audible, obligeant la juge à lui demander à plusieurs reprises de parler plus fort. Face aux magistrats, il s’est montré moins disposé à tout avouer. S’il a précisé n’avoir que peu de souvenirs de cette soirée, il a affirmé qu’il n’a jamais tenté d’étrangler son ex-compagne et n’a jamais voulu brutaliser sa petite fille. Par contre, pour la première fois, il a accusé Hella de l’avoir frappé, giflé même, sans avoir porté plainte.
Dépassant le cadre des infractions commises, la juge s’est intéressée à la personne de Youssouf : « Comment envisagez-vous l’avenir ? – Je veux juste voir mes enfants – Vous savez que vous n’avez aucun droit ! Pourquoi ne les avez-vous pas reconnus ? – Elle n’a jamais voulu que je les reconnaisse ! ». Puis elle a évoqué ses diverses condamnations en s’attardant sur une peine de 36 mois de prison dont 12 avec sursis probatoire infligé par le tribunal de Bobigny pour avoir roué de coups une femme lui occasionnant 35 jours d’ITT, après s’être « embrouillé et battu avec le mari ».
2 ans de prison dont 12 mois avec sursis
À la lecture du rapport du contrôleur judiciaire faisant état d’un respect très aléatoire des obligations, le retrait de la mesure de semi-liberté, la révocation de la libération conditionnelle, la juge a estimé qu’on « arrive au bout du bout en terme de réinsertion. » Au vu du comportement de Youssouf vis-à-vis des décisions de justice et de l’échec des mesures de confiance accordées, le procureur de la République a renchéri : « Vous avez déjà connu Fleury et Fresnes, vous voulez visiter Chauconin ? Que faites-vous pour éviter ça ? ». Youssouf est resté silencieux.
L’avocate des victimes a d’abord parlé des contacts téléphoniques avec Hella, de sa peur de se retrouver en présence de Youssouf, de son souhait d’être protégée. Puis elle a cité les quelques mots prononcés par le garçon de six ans. « Je veux que papa se fasse disputer par le juge. »
Après un bref rappel du parcours du prévenu, des échecs de la justice dans ses tentatives d’accompagnement, le procureur a requis l’incarcération comme unique solution.
N’ayant pas d’avocat, Youssouf a été invité à s’exprimer en dernier : « Je sais que j’ai merdé mais là, ça va trop loin ! Ça va me bousiller ! Là, je suis mort. »
La juge a suivi le ministère public en condamnant Youssouf à 24 mois de prison dont 12 avec sursis renforcé assorti d’une obligation de soins addictologiques et psychologiques, d’une interdiction de contacter les victimes ou de paraître à leur domicile. Il devra verser 300€ à chacun des enfants. Youssouf était attendu à la porte de la salle d’audience par deux policiers en uniforme, un mandat de dépôt ayant été délivré par la juge.
*Le prénom a été modifié.
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