Étonnant Dany Brulant ! Lors des travaux de restauration de l’église Sainte-Barbe de la Sentinelle, près de Valenciennes (Nord) – qui ont couru de 2014 à 2017 -, cet habitant s’était insurgé : pourquoi une croix n’a-t-elle pas été réinstallée ? Après 8 ans d’alerte, c’est enfin le cas : une croix a retrouvé sa place au sommet de l’église, mardi 25 mars 2025.
Une restauration qui oublie la croix sommitale
« Le dossier prévoyait une remise en état comme à l’origine du bâtiment classé au patrimoine de l’UNESCO, en 2012. Les premiers clichés de l’édifice transformé en église (datant de 1852-1854) par la Compagnie des mines d’Anzin, datent de 1900. Ils montrent bien l’existence sur le fronton d’une croix. Il fallait la replacer mais l’architecte n’a rien voulu savoir, laissant le seul paratonnerre », présente Dany Brulant.
Du 22 décembre 2017 à ce 25 mars 2025, le natif de la commune de 3150 habitants, n’aura de cesse d’entamer un combat qu’il vient de gagner.
Solitude du coureur de fond
L’image du coureur de fond bien seul va comme un gant à l’ancien conseiller municipal (2014-2020), commercial de profession, licencié pour motif économique et achevant sa carrière comme trésorier de la Croix rouge française (CRF). « Mon revenu était de 600 € car à temps partiel », après nombre d’années dans le bénévolat (Restos du cœur, généalogie…).
«J’ai été seul dans ce combat, peu aidé par la mairie et la paroisse Saint-Vincent de Paul, malgré des échanges… Tout est resté sans réponse, je demandais seulement un peu de considération. Par contre, la pétition en ligne de février 2018 aura recueilli 7 344 signatures ! »
Le coût pour la mairie de l’installation de la croix est de 7 344 d’euros. En 2017, la pose de la croix aurait été englobée dans l’enveloppe totale d’un million d’euros. Quel dommage !
Le 1er avril 2025, la commune communique sur l’événement sur sa page Facebook, mais passe sous silence l’action du Sentinellois.
Le mot du père Loyez
Administrateur de la paroisse depuis sept mois, le père Frédéric Loyez réagit : « On peut se réjouir de la pose de cette croix, symbole figurant sur tous les édifices chrétiens (chapelles, églises, basiliques, cathédrales, abbayes…). À l’origine, la croix n’est pas un signe chrétien, puisque les romains l’utilisaient pour supplicier certains condamnés à mort (uniquement des non-citoyens romains). Plus tard, les chrétiens lui ont donné un sens nouveau et plus positif : celui d’un amour, celui du Christ, plus fort que la mort. On peut souligner l’action de Dany Brulant qui s’est investi avec patience dans cette opération réussie. Notre église mérite en effet toute notre attention. Merci aussi à la municipalité pour la mise en œuvre. La prochaine étape, que nous espérons proche, sera la remise en peinture des murs intérieurs, abîmés par le temps et l’humidité. Notre église, alors, vaudra vraiment le détour, car c’est l’une des plus belles de l’arrondissement de Valenciennes ».
La croix de 10 kg en aluminium noir installée
« Une renaissance qui fait sens » : le mot est d’Eric Blondiaux, maire (2020), présent avec Damien Lerebourg, du service Urbanisme. « L’église est le seul monument historique, il doit être entretenu et préservé. Nous sommes en contact avec l’archevêché pour acquérir définitivement la salle abbé Petit, sur le même emplacement. Le 8 août, nous fêterons les 150 ans de la commune ».
Mardi 25 mars 2025, la croix a été réinstallée ! La mairie a réalisé une vidéo de l’événement. L’opération de levage a été l’œuvre de l’entreprise J. Leroy toiture. La fabrication et l’installation de la croix en aluminium noir semi-mat – 1,1 m 6 de haut avec le socle, 0,55 m de large, environ 10 kg – ont été assurées par l’entreprise Paschal, artisan campanaire, venue de Wimereux.
Des riverains présents
Sur la place Nicod, quelques riverains dont Réjane et Lysiane tombent d’accord : « Une église sans croix, ce n’est pas une église, ce n’est pas représentatif ». Xavier Jesu, ancien chef d’entreprise, est venu d’Albert, dans la Somme, pour l’ami Dany : « Son opiniâtreté, forte de sa devise ‘Se battre pour une cause juste est déjà une victoire’, a payé, bravo ! ».
Françoise, depuis son Ehpad, l’étreindra : « Je peux t’embrasser ? ». Dany Brulant conclut le petit événement par une collation comme le précise son invitation : « Boissons et petite nourriture à disposition de mes soutiens » (sic), avant de remercier : « À 71 ans, c’est un moment fort de ma vie, je suis lessivé. Ne pas remettre la croix n’a pas été une bonne idée mais une stupidité ! »
Croix des seuls chrétiens ?
L’homme de la rue lui posera la question : « Pourquoi votre détermination ? Vous n’êtes pas baptisé ! ». Celui qui avoue être « brut de décoffrage » répond : « L’histoire le dit clairement, la croix n’est devenue un symbole du christianisme qu’après l’époque de Constantin. Depuis le IVe siècle, elle représente nos racines, un point c’est tout… Croyant ? Je jouais avec les gamins du patro, je me souviens de l’abbé Paul Durieux (1915-2003), le curé, mes parents avaient peu de moyens… Françoise m’a dit : ‘Croyant dans ta tête peut-être pas mais – tapant sur sa poitrine – dans ton cœur oui’ ! »
Et maintenant, honorer la mémoire d’un prêtre
Quel prochain combat pour l’homme acharné ? Peut-être redorer la mémoire d’un prêtre ! Dany Brulant n’oublie pas la sépulture qu’il a récemment nettoyée, au cimetière de la rue Charles Basquin, celle du père Adolphe Heirffelinck (1839-1925). Ordonné en 1866, celui-ci arrive à La Sentinelle en 1882. Natif de Tournai (Belgique), il marchait régulièrement jusque Maing, soit 12 km. Danuy Brulant présente « un homme de grande bonté qui dormait sur un lit de camp avec des draps rapiécés, les neufs ayant été donnés aux pauvres… Il en était de même pour sa soutane et ses chaussettes raccommodées ».
On vous le disait, étonnant et persévérant Dany disponible pour faire visiter l’église si on le lui demandait, voire la faire rejoindre le réseau « Églises Ouvertes » dont il a eu connaissance… Repérable, il le serait, par sa casquette vissée sur la tête : elle est dotée de deux… petites croix !
Philippe Courcier
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