C’est un nouveau chapitre de la découverte des grands de la sculpture classique que donne à voir le musée la Piscine à Roubaix. Dans la lignée de la programmation systématique des sculpteurs initiée par Bruno Gaudichon, qui malgré son départ de la direction du musée d’Art et d’Industrie André Diligent, assure une collaboration au commissariat de l’exposition. Voilà donc deux géants de la sculpture, Rodin et Bourdelle, exposés jusqu’au 1er juin 2025.
20 ans d’écart
Les deux sculpteurs Auguste Rodin et Antoine Bourdelle ont 20 ans de différence d’âge au profit de l’aîné Rodin, qui peut utiliser Bourdelle comme assistant. Dans la stricte économie des ateliers de sculpture de l’époque, les maîtres sont accompagnés de praticiens, qui dégrossissent la pierre et préparent l’ébauche de l’œuvre. Ou, au contraire, transforment le modèle créé en plâtre en sculpture de marbre. Une relation dûment réglementée avec paiement de prestation sinon de salaire.
On a vu à l’œuvre Rodin pendant sa période belge, (ouvrier-ornementiste pour la décoration de la bourse du Commerce de Bruxelles). On voit ici Antoine Bourdelle installé dans l’atelier de Rodin et travaillant pour lui. Puis dans le sien propre et recrutant à son tour d’autres praticiens.
Pas de signature commune
Les rapports sont strictement ceux d’un commanditaire à un exécutant. Ainsi quand Bourdelle un peu débordé par ses propres commandes, prend du retard dans la réalisation du « buste d’Eve Fairfax », il subit remontrances et pressions du maître. Quand, chargé de réaliser la version finale de « Le masque de Rose Beuret », la compagne de Rodin, et qu’il se permet d’ajouter une voilette au buste, il se voit renvoyé son travail avec hauteur : « Je veux le corps fidèle, c’est moi qui fais mes compositions, je n’ai pas demandé qu’on compose » lui claque Rodin.
Rivalité et admiration
Les rapports ne peuvent se résumer à ces moments d’aigreurs, et chacun des deux rivalise pour promouvoir l’autre d’une certaine manière. Bourdelle qui écrit livres, préfaces, notices, encense Rodin. Quant à Rodin, il ne cesse de louer le talent de Bourdelle : « C’est un éclaireur de l’avenir ».
Adam et Adam, symboles d’un itinéraire croisé
L’exposition qui relate leur parcours met en valeur leurs itinéraires croisés, ce qui leur est commun, leurs ébauches sans cesse répétées de membres, les mains ou les pieds.
La juxtaposition de deux œuvres monumentales, réalisées à quelques années d’intervalle, chacune nommée « Adam » montre une similarité troublante. À ce niveau, on ne peut parler de copie de l’un sur l’autre, mais d’une homogénéité de création.
Descendance dans la sculpture du milieu du XXe siècle
Une importante descendance se forme à leur contact : Chiara Orloff, Ossip Zadkine, Germaine Richer, la seule élève particulière de Bourdelle. La démonstration la plus significative étant « L’homme qui marche » de Rodin : un torse et des jambes ouvertes. Le modèle pour Giacometti et son « homme en marche » est évident.
L’exposition qui regroupe plus de 170 œuvres est à voir en l’attente de l’ouverture très prochaine (à partir du 17 mai) des salles Rodin du Musée des Beaux-arts de Calais, après leur rénovation complète. Autour de la célébration des « Bourgeois de Calais », dont la ville accepte de considérer qu’elle est fondatrice de son identité.
« Rodin/Bourdelle. Corps à corps » : exposition jusqu’au 1er juin 2025. La Piscine, 23 rue de l’Espérance à Roubaix, du mardi au jeudi de 11 h à 18 h ; vendredi de 11 h à 20 h, samedi et dimanche de 13 à 18 h (fermeture le 1er Mai et le jeudi de l’Ascension). Entrée : 11 et 9 €.
Source link
