La mort de « Philou », bien aimé gardien du stade municipal de Oissel, fauché par un automobiliste, avait suscité une vive émotion en décembre dernier. Ce vendredi 31 janvier 2025, l’homme qui conduisait le véhicule était jugé au tribunal judiciaire de Rouen pour homicide involontaire. Il y a exprimé ses excuses.
Le gardien du stade percuté par un automobiliste
Le 8 décembre dernier vers 21 heures, un équipage cynophile de police patrouille, avenue Anderten à Oissel lorsqu’il croise une Clio grise circulant à vive allure en sens inverse. Les policiers font alors demi-tour afin de contrôler l’automobiliste. Mais alors qu’ils se trouvent à 60 mètres de la Clio, les policiers aperçoivent « un vêtement bleu s’envoler au-dessus du véhicule et retomber lourdement sur le sol ».
Après le choc, deux occupants de la voiture prennent la fuite. Le troisième prodigue les premiers secours à un homme d’une soixantaine d’années étendu sur la chaussée, présentant des plaies importantes. Malgré les soins prodigués par les secours, l’homme succombera à ses blessures au CHU de Rouen.
Il s’agissait de Philippe, agent municipal en charge du gardiennage du stade.
Ce que révèle l’enquête
L’enquête démarre. Les constatations effectuées par l’IRCGN (Institut de recherche criminelle de la gendarmerie nationale) révèlent que la victime a été percutée « à une vitesse estimée à 62 km/h ». La vidéosurveillance confirme que « le piéton a été percuté alors qu’il était engagé sur le passage piéton par le véhicule circulant à vive allure ».
Réentendus, les policiers témoins de l’accident confirment leurs premières déclarations ajoutant que « le conducteur n’a pas ralenti à leur vue, au contraire il a accéléré plus fortement. J’étais en troisième, mon compteur indiquait 70 km/h ».
« J’ai aidé les policiers à faire les gestes de premiers secours »
Interpellé, le conducteur est un jeune homme âgé de 20 ans habitant de la commune. S’il est titulaire du permis de conduire, son véhicule n’est plus assuré. Soumis à un dépistage de stupéfiants, celui-ci se révèle positif au cannabis. Les policiers découvrent également que l’homme est sous contrôle judiciaire dans le cadre d’une information judiciaire ouverte « des chefs d’extorsion aggravée, enlèvement et séquestration ».
Placé en garde à vue, il explique avoir pris son véhicule et avoir croisé deux amis à lui sur son trajet. « J’étais à 45-50 km/h, j’ai regardé dans mes rétroviseurs et puis il y a eu un choc. » Il explique être alors descendu de son véhicule et « avoir vu un corps descendre de la voiture. J’ai aidé les policiers à faire les gestes de premiers secours ». Interrogé sur sa consommation de cannabis, le conducteur reconnaît en avoir fumé la veille.
Concernant l’assurance du véhicule, il indique qu’il n’ avait pas payé son échéance depuis novembre, mais assure « qu’il ne savait pas que son véhicule n’était plus assuré ».
Reconnaissant les faits, il est placé sous contrôle judiciaire à l’issue de sa garde à vue.
Il présente ses excuses
À l’audience ce vendredi, l’émotion et la douleur sont toujours aussi présentes.
Le prévenu tient à présenter ses excuses à la famille de « Philou » et admet sa responsabilité dans l’accident qui a coûté la vie à l »agent municipal « à quelques mois de sa retraite ».
Il assure avoir cessé toute consommation de stupéfiants et avoir entamé un suivi addictologique depuis l’accident.
Les enfants de la victime se constituent partie civile par l’intermédiaire de leur avocat. Ce dernier débute sa plaidoirie en rappelant « la gentillesse incarnée » du défunt : « Il jouait un vrai rôle social à Oissel ». Il dénonce « l’absence de considération » de la justice vis-à-vis de ses clients « apprenant la date du jugement par la presse. C’est d’une violence inouïe ». Mais il assure que ces derniers « n’ont pas soif de vengeance ou de prison ».
Pour lui, le préjudice est immense : « On leur a ôté ce qu’ils avaient de plus précieux ». Il sollicite plusieurs dizaines de milliers d’euros de dommages et intérêts. La ville de Oissel se constitue « au soutien de la famille » qui indique « avoir perdu un agent apprécié de ses collègues ». Elle sollicite un renvoi sur intérêts civils afin de pouvoir chiffrer son préjudice financier.
30 mois de prison avec sursis requis
Le procureur se dit « conscient de l’immense douleur pour les proches de la victime » et rappelle au prévenu « que ses actes doivent être réprimées à la hauteur de leur gravité ». Il estime que les faits sont parfaitement établis et requiert la peine de 30 mois d’emprisonnement assortis du sursis probatoire pendant trois ans. Il sollicite également l’annulation du permis de conduire avec interdiction d’en solliciter un nouveau pendant une durée de cinq ans.
Du côté de la défense, on se refuse à minimiser ou à justifier la responsabilité du conducteur. Son avocat tient tout de même à rappeler que son client a admis sa responsabilité « immédiatement après l’accident » et « a prodigué les premiers secours à la victime ». Il indique également que son client a été victime d’infractions graves en 2024 ayant entraîné une consommation de cannabis « pour mieux vivre avec ces traumatismes » et se dit favorable à une peine de probation « afin qu’il puisse faire ses preuves ».
Le tribunal rendra sa décision le 4 février prochain.
Frédéric Bernard
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