À 71 ans, Roberte (*), une habitante de Romilly-sur-Andelle (Eure) est une retraitée charmante et dévouée, toujours prête à rendre service à ses aînées nonagénaires.
Elle leur rend visite, égaye leurs après-midi autour d’une tasse de thé et des potins de la semaine. On lui donnerait le bon Dieu sans confession avec son air innocent.
L’argent et les plats cuisinés disparaissent
Le problème, c’est qu’elle a aussi tendance à visiter les porte-monnaie, les réfrigérateurs et les congélateurs de ses hôtes crédules.
À tel point que celles-ci se demandent parfois si elles ne perdent pas la tête. C’est, du moins, le sentiment de Ginette (*), dont les enfants s’étonnent de voir disparaître l’argent de la semaine ou les plats cuisinés.
L’intrigue est d’autant plus obscure que sa fille passe chaque matin pour s’assurer que sa maman ne manque de rien et que son fils rend visite à sa mère chaque soir.
Confondue par des billets marqués
Afin d’éclaircir le mystère, une caméra de surveillance est positionnée dans la cuisine.
Elle couvre le champ, de la porte, de la table et du réfrigérateur. Dans le portefeuille disposé sur la table, les enfants glissent un billet de 20 € et un billet de 10 € préalablement marqués d’initiales et de la date du jour.
Dans l’après-midi, l’alerte est donnée. Les gendarmes interpellent Roberte dans le jardin de Ginette.
Dans ses poches, les militaires retrouvent le billet de 20 € et le billet de 10 € marqués.
9 655 € en petites coupures
En garde à vue, la septuagénaire nie les évidences malgré la vidéo dans laquelle on la voit distinctement entrer par la porte de la cuisine, fureter dans le portefeuille, se saisir des billets qu’elle fourre dans sa poche, puis extirper du réfrigérateur et du congélateur plats cuisinés et autres denrées qu’elle enfourne dans son sac. Ni vu ni connu.
La perquisition du domicile permet aux enquêteurs de retrouver 9 655 € en petites coupures soigneusement réparties en différentes enveloppes.
Des explications qui ne convainquent pas
Jeudi 27 mars 2025, au tribunal d’Évreux, la Romilloise s’avance à la barre d’un pas volontaire, bien décidée à faire valoir sa probité.
Me Laurent Taffou a toutes les peines du monde à contenir la fougue de sa cliente qui ne peut s’empêcher d’interrompre le président Bertrand Brusset lors de l’exposition des faits.
Finalement, elle peut s’expliquer : « J’ai pas volé l’argent. Ginette m’avait dit de prendre les 30 € pour aller à la pharmacie. C’était convenu », affirme-t-elle.
Tout cela n’a guère de sens dans la mesure où le subterfuge mis en place durant le week-end n’a pas permis à la victime de charger la messagère d’une telle mission.
Ses explications varient, s’embrouillent, se contredisent.
En ce qui concerne la nourriture, elle précise : « Je faisais beaucoup de choses pour elle, alors elle me donnait des salades. »
» Depuis qu’on m’a interdit de voir les personnes âgées, tout le monde meurt ! «
L’origine des fonds en petites coupures retrouvés chez elle est plus difficile à justifier. Selon ses dires, ils proviendraient d’un héritage.
Au fil des débats, se dessine le profil étonnant d’une femme travailleuse qui n’a eu de cesse d’être reconnue par ses pairs, animée par une certaine peur de manquer, mais dont le compte courant affiche un solde de 110 526 €.
Ce pourrait être un personnage de fiction, d’origine modeste à la Claude Chabrol, qui évoluerait, sans y être admis, dans le milieu de la petite bourgeoisie provinciale.
En point d’orgue d’une défense pugnace, la prévenue s’exclame :
« Depuis qu’on m’a interdit de voir les personnes âgées, tout le monde meurt ! »
C’est dire à quel point elle est indispensable. Mais paradoxalement, plus rien ne disparaît.
Stage de citoyenneté et 500 euros d’amende
Au terme d’une audience haute en couleurs, la prévenue est jugée coupable de vol et condamnée à un stage de citoyenneté ainsi qu’à 500 € d’amende.
Par ailleurs, le tribunal estime suffisantes les justifications d’origine des 9 655 € et prononce la relaxe de la prévention de blanchiment ainsi que la restitution des saisies.
La partie civile n’a pas souhaité poursuivre.
(*) Les prénoms ont été modifiés.Toute condamnation est susceptible d’un recours et jusqu’à une condamnation définitive, la présomption d’innocence prévaut.
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