Les faits se sont déroulés il y a 25 ans mais personne n’a oublié la tuerie de Flavin, dans le département de l’Aveyron, le jour de la Saint-Valentin, en 2000. Un village devenu le théâtre d’un massacre aux implications aussi déconcertantes que malsaines. Récit d’une affaire criminelle pas comme les autres…
La scène de crime
Nous sommes à Flavin, une commune aveyronnaise d’un peu plus de 2300 habitants, à 10 km au Sud de Rodez. Patrice Moulinier, 43 ans, frigoriste de profession, gagne son domicile pour le déjeuner. Ayant pris la précaution de se rendre chez le fleuriste pour acheter une orchidée pour Manuela, son épouse, il tente de joindre cette dernière par téléphone depuis sa voiture. Aucune réponse. Quand il pousse la porte de sa maison, il ne trouve personne. Légèrement inquiet, il gagne l’étage et pénètre dans sa chambre. Il se retrouve alors face à une scène d’horreur… Son épouse gît inerte dans une mare de sang. À ses côtés, il croit défaillir quand il découvre également le corps sans vie de Morgane, sa fille de 12 ans.
Immédiatement, le père de famille pense à Martin, son nouveau-né de 5 semaines. Il se précipite dans la chambre de son enfant mais trouve le berceau vide. Patrice dévale les escaliers et sort dans la rue où il hurle qu’on a tué sa famille et enlevé son bébé. Il décide d’aller jusqu’au restaurant où Manuela travaillait. Le patron de l’établissement, devant la confusion et la panique de Patrice, ne comprend pas très bien ce qu’il se passe mais appelle les autorités.
L’enquête commence à Flavin…
Les gendarmes de Rodez, vite rejoints par ceux de Montpellier, arrivent sur les lieux. Un rapide examen des corps permet de constater que la mère et la fille ont été tuées avec une carabine de calibre 22 Long Rifle. Manuela a été abattue à bout touchant, d’une balle dans la nuque. La jeune Morgane également. Cette dernière présente une blessure à la main qui indique qu’elle a essayé de se protéger. Les gendarmes ne constatent aucune trace d’effraction. Rien ne manque. L’argent du portefeuille de Manuela est toujours là. Seul un sac de voyage a disparu… De leur côté, les voisins affirment n’avoir rien vu ou entendu. Pas même un coup de feu. À ce stade de l’enquête, les gendarmes ne possèdent aucun indice.
… mais piétine rapidement
Soixante gendarmes sont mobilisés. Des plongeurs effectuent des fouilles dans les plans d’eau environnants et draguent les rivières, une équipe cynophile est mobilisée, ainsi qu’un hélicoptère. Une unité de spéléologues est même appelée en renfort. Le bébé reste introuvable. Au fil des jours, les espoirs de le retrouver vivant s’amenuisent. En plein désarroi, les autorités commencent alors à suspecter Patrice Moulinier.
Un homme étrange
Convoqué à une audition, le père de Morgane et Martin affiche une attitude étrange. Quelques jours après le massacre de sa famille, l’homme apparaît froid et distant. Il clame son innocence mais une anomalie est détectée dans son emploi du temps, laissant entrevoir un « trou » d’une heure et demi, juste avant la découverte des corps. Cette découverte convainc les gendarmes à le placer en garde à vue.
Pendant ce temps, à Flavin, alors que le bébé et le tueur restent introuvables, les habitants vivent dans la terreur. Les médias parlent de l’affaire. La photo de l’enfant est largement diffusée. Plus de 100 témoignages parviennent jusqu’aux enquêteurs mais aucun ne s’avère crédible. En désespoir de cause, les gendarmes demandent à Patrice Moulinier si dans son entourage, des personnes seraient susceptibles de lui vouloir du mal. Patrice donne une liste de noms. Très vite, un certain Jean-Marie Von Matt sort du lot.
Histoire d’un pacte
Retour 15 ans en arrière. Patrice Moulinier vit alors en Dordogne. Il est ami avec son voisin, le fameux Von Matt, avec lequel il partage une passion pour les chiens et les armes. Mais la passion ne s’arrête pas là car Von Matt partage aussi son épouse, Simone, avec Patrice. Libertins assumés, Patrice Moulinier et les Von Matt passent beaucoup de temps ensemble. Simone et Patrice s’entendent à merveille. Si bien qu’ils font tous les deux un pacte ésotérique afin, comme le racontera Patrice aux gendarmes, de « se retrouver après la mort ». Jean-Marie Von Matt de son côté, voue un culte à sa femme. Littéralement. Il est décrit par ses proches comme un homme inquiétant et très influent. Un ancien mécanicien devenu marchant de biens, qui possède alors un château en Dordogne et qui a fait de Patrice Moulinier son disciple.
Libérer l’âme
Retour en février 2000… Alors qu’il raconte son histoire avec les Von Matt, Patrice Moulinier indique que son ancien ami lui a téléphoné très récemment. Von Matt, après avoir demandé de ses nouvelles et notamment appris la naissance du petit Martin, lui a intimé de « libérer l’âme de sa femme ». Patrice apprend ainsi que Simone est décédée d’une rupture d’anévrisme le 9 décembre 1999, soit quelques semaines plus tôt.
À l’écoute du témoignage de Patrice Moulinier concernant ses relations avec les Von Matt, les gendarmes décident de le relâcher et concentrent leurs efforts afin de retrouver Von Matt. Le problème, c’est que celui-ci vit désormais à Miami, aux États-Unis.
C’est alors que des collégiens de Flavin se rapprochent des gendarmes et indiquent avoir croisé, le jour du meurtre, un homme dans une belle voiture noire équipée de plaques étrangères. Ils précisent que l’homme leur a demandé le chemin pour se rendre à la rue Saint-Pierre, soit là où vivaient les Moulinier. Grâce aux fichiers de L’Association Internationale du Transport Aérien, les enquêteurs constatent que Von Matt a bel et bien pris l’avion pour Zurich le 12 février. Il a atterri en Suisse avant de louer une voiture qui correspond à la description des collégiens.
L’enquête prend une nouvelle tournure quand les gendarmes parviennent à mettre la main sur le véhicule loué par Von Matt. Ils y retrouvent une balle de 22 Long Rifle et des traces de sang. Sang qui appartient au petit Martin, le bébé de 5 semaines de Patrice et Manuela. Il est alors évident que Von Matt a enlevé le bébé avant de le tuer, avec la même arme, dans la voiture. Mais où est passé le corps ?
Un examen minutieux du véhicule révèle une anomalie au niveau du kilométrage. En considérant la distance qui sépare Zurich de Flavin, les gendarmes constatent que Von Matt a effectué environ 300 km en plus. Ils en déduisent vite qu’il a probablement fait un crochet à Saint-Pardo, le village où est localisé son ancien château.
La fin de l’enquête
15 jours après les faits, les enquêteurs arrivent au château. Sur place, ils interrogent le jardinier qui était déjà en poste à l’époque de Von Matt. Ils cherchent un endroit, dans le parc plus précisément, où Von Matt aimait se rendre. Le jardinier indique une zone où les enquêteurs découvrent une sorte de petit four avec à l’intérieur, des cendres, des boucles et une autre balle de 22 Long Rifle. Des grains de sel sont également retrouvés.
Du sel… Vu l’attirance de Von Matt pour l’ésotérisme et probablement la magie noire, il n’est pas difficile de conclure que ce dernier a utilisé le sel pour purifier le corps du petit Martin.
D’après les fichiers aériens, Von Matt a regagné son appartement de Miami Beach. Alors qu’ils se mettent en liaison avec les services de police américains, les enquêteurs décident également de placer sur écoute la famille de Jean-Marie Von Matt, qui réside en Alsace. C’est grâce à ce dispositif qu’ils apprennent le suicide de Von Matt, à son domicile en Floride. Un appartement où les enquêteurs mettent à jour un véritable temple érigé en l’honneur de sa femme Simone, récemment décédée. Les murs sont recouverts de photos et de mots qui traduisent une obsession malsaine du tueur pour son épouse. Et c’est ainsi que l’enquête s’arrête.
Des questions demeurent
Jean-Marie Von Matt a emporté dans la tombe le secret de sa folie meurtrière. Pensait-il que la rupture du pacte que son épouse avait passé avec Patrice Moulinier devait se traduire par le meurtre de la famille de ce dernier ? La présence de sel parmi les restes du petit Martin indique-t-elle qu’il croyait que l’âme de sa femme était prisonnière du corps de l’enfant ? Autant de questions qui demeureront sans réponse… Des questions qui contribuent largement au caractère dérangeant de l’affaire de la tuerie de Flavin.
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