Les trottinettes électriques, ces engins qui ont envahi nos rues en promettant une mobilité douce et écologique, sont devenues un véritable casse-tête pour les autorités et un danger croissant pour les usagers de la route.
Dans la Manche, comme ailleurs en France, leur popularité s’accompagne d’une recrudescence d’accidents parfois tragiques. Entre négligence, manque de réglementation et cohabitation difficile entre les différents modes de transport, le bilan est alarmant.
Deux accidents mortels en 2024
En 2024, la Manche a enregistré plus de 120 accidents impliquant des trottinettes électriques, dont deux mortels sur la circonscription de Cherbourg-en-Cotentin.
Ces chiffres, en constante augmentation depuis l’arrivée massive de ces véhicules sur le marché, traduisent une réalité préoccupante.
Une explosion des accidents a en effet été constatée par les services de l’État ces trois dernières années.
Les utilisateurs ne respectent pas toujours les règles de circulation, et les infrastructures ne sont pas toujours adaptées à ce nouveau mode de transport.
Les causes principales ? Une vitesse excessive (les trottinettes électriques peuvent atteindre jusqu’à 25 km/h, voire plus si elles sont débridées), le non-port du casque, l’inattention (notamment avec l’usage du téléphone portable) et, parfois même, la conduite sous l’influence de l’alcool ou de stupéfiants.
Mais derrière ces statistiques se cachent des vies bouleversées. Et certains témoignages donnent toute leur gravité à ce phénomène.
Jean-Luc, 52 ans, d’Équeurdreville-Hainneville, se souvient encore du bruit sourd du choc.
Ce jour-là, il circulait tranquillement sur une piste cyclable lorsqu’une trottinette électrique l’a percuté à pleine vitesse.
« Il roulait bien au-delà des 25 km/h autorisés, raconte-t-il. Je n’ai pas eu le temps de réagir. »
Résultat : une fracture du fémur et plusieurs mois d’arrêt de travail.
Sophie, 27 ans, utilisait sa trottinette électrique pour rentrer chez elle après le travail. Mais un soir pluvieux, tout a basculé. En voulant éviter un piéton distrait qui traversait sans regarder, elle a perdu le contrôle de son engin et chuté lourdement sur le bitume.
« Je ne portais pas de casque et j’ai eu un traumatisme crânien », confie-t-elle. « Je ne pensais pas qu’une simple chute pouvait avoir de telles conséquences. »
Aujourd’hui, elle milite pour rendre le port du casque obligatoire.
À Cherbourg, c’est un père de famille qui a vu son fils frôlé par une trottinette roulant à vive allure au niveau du pont tournant.
« Nous étions en train de traverser sur le passage protégé, il ne s’est même pas arrêté. Mon fils aurait pu être gravement blessé s’il y avait eu collision. Par chance, j’ai eu le bon réflexe de le retenir. »
Des blessures parfois graves
Déambuler dans les rues au guidon d’une trottinette n’est pas sans risque. Le nombre de blessés a bondi de manière significative.
Les usagers pointent notamment les risques liés à la détérioration des chaussées et des trottoirs qui peuvent générer des chutes, voire des blessures graves.
« L’engin reste très accidentogène dès que les routes deviennent glissantes. Surtout, les protections sont limitées, particulièrement si l’appareil est une location, explique Bastien Julliard, chef des urgences du centre hospitalier public du Cotentin. Les principaux problèmes concernent la traumatologie des membres, c’est-à-dire les entorses, fractures, hématomes… Les problèmes les plus graves concernent les traumatismes crâniens/face et les traumatismes abdominaux : des hématomes intracrâniens, des fractures massives faciales, des traumatismes dentaires, des ruptures de la rate ou encore des perforations d’organe. »
Et d’ajouter : « Pour prévenir les accidents, il convient d’être prudent quant à l’utilisation de ces engins. Il faut faire attention aux changements de direction et aux voies utilisées pour se déplacer, adapter les protections, le comportement à la vitesse, à l’adhérence… »
À ne pas utiliser n’importe comment
Face à cette montée en flèche des accidents, les autorités tentent, tant bien que mal, d’encadrer l’usage des trottinettes électriques en multipliant les messages de prévention et les campagnes éducatives sur les dangers et les règles d’utilisation.
L’âge minimum pour être au guidon d’une trottinette électrique est désormais fixé à 14 ans.
Le port du casque est recommandé, mais demeure facultatif.
Les amendes pour infractions ont été alourdies, jusqu’à 1 500 euros pour un engin débridé.
Pourtant, ces mesures peinent à produire leurs effets. Les pilotes débridés ou imprudents passent souvent entre les mailles du filet.
Si les trottinettes électriques incarnent une révolution dans nos modes de déplacements urbains, leur usage anarchique met en péril la sécurité publique.
Dans la Manche, il est urgent d’agir pour prévenir de nouveaux drames. Les témoignages que nous avons recueillis rappellent que, derrière chaque accident, se cache une vie bouleversée, parfois brisée à jamais.
Il appartient désormais aux collectivités locales et aux pouvoirs publics d’adopter des mesures fortes pour garantir une cohabitation harmonieuse entre tous les usagers de la route.
Et vous, la prochaine fois que vous croiserez une trottinette électrique lancée à pleine vitesse sur un trottoir ou une piste cyclable, serez-vous prêt à réagir ?
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