Coralie retrouve son fils enlevé, quatre ans après

Aéroport de Roissy/Charles-de-Gaulle, terminal F. Dans la salle des arrivées, il y a un peu plus d’agitation que d’habitude, et beaucoup de journalistes. Il y a aussi Bernard Cazeneuve, alors ministre du Budget, qui est là. Tous les regards sont rivés sur le tableau des arrivées : annoncé pour 20 h 30, l’avion d’Air France qui fait la liaison quotidienne avec Casablanca, vient de se poser sur le tarmac de l’aéroport parisien avec dix minutes d’avance.

« Il m’a dit Maman »

Encore un peu d’attente, et puis la porte s’ouvre, illuminée aussitôt par les flashes des appareils-photo. Une jeune femme blonde s’avance, tenant un petit garçon par la main. Elle s’appelle Coralie, il se prénomme Enzo. La mère et le fils. Cela faisait 4 ans et demi qu’ils ne s’étaient pas vus, ni serrés dans les bras.

Ses esprits retrouvés, et tandis qu’Enzo fait un sort à la boîte de chocolats que Bernard Cazeneuve lui a offert, Coralie donne une conférence de presse improvisée :

« Une nouvelle vie commence aujourd’hui pour moi. Enzo, je l’attends depuis quatre ans et demi. J’ai toujours su qu’il reviendrait un jour. Je n’ai jamais lâché prise même si parfois cela a été dur ».

« Il était assis entre son père et son grand-père lorsqu’on m’a fait entrer dans la pièce. Il ne tenait pas en place. Je me suis assise sur une chaise à côté. Il me regardait. Moi, j’avais le cœur serré. C’est tellement dur de retenir ses larmes. Il s’est approché et m’a dit Maman. Vous ne pouvez pas imaginer ce que cela m’a fait ».

Et maintenant, direction Cherbourg, où les proches de Coralie et son comité de soutien les attendent. Comme Coralie vient de le souligner, pour elle et son fils, une nouvelle vie commence.

Rapt à Sainte-Mère-Eglise

Comment était l’ancienne ? Un enfer. Tout avait pourtant bien commencé. En octobre 2025, Coralie Eugène, jeune infirmière de 20 ans, se marie avec Oussama Taïbi, un étudiant marocain de l’école d’ingénieurs de Cherbourg. Leur fils Enzo naît quelques mois plus tard, le 14 février 2006. Mais le couple va mal, Coralie se réfugie chez ses parents avec Enzo, porte plainte pour violences conjugales et entame une procédure de divorce à l’été 2006.

Deux ans plus tard, les choses semblent réglées : Oussama Taïbi a obtenu la garde d’Enzo un week-end sur 2 et la moitié des vacances scolaires. Mais il aussi entamé des démarches administratives qui inquiètent Coralie. Celle-ci obtient de la sous-préfecture de Cherbourg qu’Enzo soit inscrit sur le fichier des personnes susceptibles d’être enlevées et une interdiction de sortie du territoire.

Mais le 26 octobre 2008, sur le parking d’un hôtel de Sainte-Mère-Eglise, Enzo est enlevé par son père. Quelques jours plus tard, on apprend que celui-ci et Enzo sont arrivés au Maroc… malgré toutes les précautions que Coralie a pu prendre. Pendant deux ans, elle remue ciel et terre, Bernard Cazeneuve, alors député-maire de Cherbourg, active ses réseaux. Rien, silence radio, aucune nouvelle de l’enfant et de son père.

Perdu ?

Et puis le 15 novembre 2010, une photo paraît, représentant Oussama et son fils sur une plage marocaine. L’enfant paraît en bonne santé, mais son père avertit : jamais il ne rendra son fils. Après deux ans passés sans nouvelles, enfin les choses bougent. Dans la foulée, Oussama Taïbi est arrêté par la police marocaine, condamné à 10 mois de prison.

Enzo ? Il prétend qu’il l’a perdu sur une plage du Maroc. Après l’espoir, commence une nouvelle période de désespoir et d’attente de deux autres années pendant lesquelles Coralie se rend à plusieurs reprises au Maroc. Une équipe de France 2 l’accompagne pour tourner un long reportage dans l’espoir de faire monter la pression médiatique et de faire avancer le dossier. Rien. Lors d’un autre voyage, Coralie est accompagnée de Bernard Cazeneuve (devenu porte-parole de François Hollande, alors candidat à la présidentielle de 2012). Cette fois-ci, c’est le ministre de la Justice du Maroc qui est sollicité et qui assure Coralie que la police locale fait tout pour remettre la main sur Enzo.

 » Enzo est avec nous « 

Encore plusieurs mois d’attente, et c’est cette fois-ci François Hollande, devenu Président de la République, qui doit se rendre au Maroc début avril. Dans le cadre de cette visite d’État, les relations diplomatiques entre les deux pays s’intensifient.

Le 28 mars 2013, le téléphone sonne chez la mère de Coralie, où est rassemblée toute la famille. Au bout du fil, l’avocat chargé du dossier. « Il faut être prêt à partir »… sans plus de détails, ni de certitudes. A 18 heures, nouveau coup de fil. Cette fois-ci, c’est : l’ambassadeur de France au Maroc : « Enzo est avec nous. Il est en bonne santé ». Explosion de joie, sanglots d’émotion… et ruée vers le site d’Air France pour consulter les prochains vols vers le Maroc. Les premières places disponibles sont sur le vol du lendemain qui décolle à 7 heures du matin.

Avec une valise faite à la hâte, Coralie et sa mère sautent dans le train pour Paris et passent une nuit sans sommeil dans un hôtel proche de l’aéroport. Vol pour le Maroc. Arrivées sur place, encore de l’attente et encore de l’inquiétude. Car on a donné tant de faux espoirs à Coralie ces 4 dernières années… Et puis soudain, la délivrance et le bonheur retrouvé. La fin de l’histoire se passe au terminal F de Roissy. Happy end.