Choisi lundi 10 février 2025 par Emmanuel Macron pour succéder à Laurent Fabius à la tête du Conseil constitutionnel, Richard Ferrand doit désormais surmonter la délicate épreuve des auditions parlementaires le 19 février prochain.
Mais, ce choix fait l’objet de vives critiques à droite comme à gauche en raison de la proximité de l’ancien président de l’Assemblée nationale avec le chef de l’État. Pourquoi la nomination des membres de cette institution est-elle si stratégique ? Décryptage.
1. À quoi sert le Conseil constitutionnel ?
Le Conseil constitutionnel a été institué par la Constitution de la Vᵉ République, en date du 4 octobre 1958.
Au départ, son rôle consistait à veiller à ce que le Parlement n’outrepasse pas ses pouvoirs, mais, en 1971, en censurant une loi restreignant la liberté d’association, il élargit son champ d’action à la conformité des lois aux grands principes de la République, précise l’AFP.
Depuis une réforme constitutionnelle de 1974 à l’initiative de Valéry Giscard d’Estaing, 60 députés ou sénateurs peuvent désormais le saisir d’une loi que vient de voter le Parlement, pouvoir réservé jusque-là au chef de l’État, au Premier ministre ou aux présidents de l’Assemblée nationale et du Sénat.
La réforme permet ainsi à l’opposition de contester la validité d’une loi.
Aujourd’hui, sa mission « consiste à vérifier que les lois votées sont conformes à la Constitution, et à un certain nombre de droits et principes fondamentaux », explique le professeur de droit et avocat Pierre Egéa, à actu.fr.
Il a également pour mission de veiller à la régularité des élections ou référendums. Mais, « le Conseil constitutionnel n’est pas une juridiction, nuance le professeur de droit. Ce n’est ni une cour, ni un tribunal ».
2. Qui sont ses membres et combien de temps dure leur mandat ?
Le Conseil se compose de neuf membres, souvent désignés par le terme de « Sages », auxquels s’ajoutent les anciens chefs d’État, membres de droit à vie. Toutefois, depuis la mort de Valéry Giscard d’Estaing en 2020, plus aucun ancien président de la République n’y siège.
Le mandat des juges, non renouvelable et incompatible avec tout autre mandat politique, est de neuf ans. Le Conseil est renouvelé par tiers tous les trois ans, détaille le juriste Pierre Egéa.
Ces trois nouveaux membres doivent être nommés de la façon suivante : un par le président de la République (ce membre sera le président du Conseil constitutionnel), un par la présidente de l’Assemblée nationale, un par le président du Sénat, détaille le site Vie Publique.
La présidente de l’Assemblée nationale Yaël Braun-Pivet a proposé l’ex-députée MoDem et ex-magistrate Laurence Vichnievsky, tandis que son homologue du Sénat Gérard Larcher a soumis le nom du sénateur Les Républicains Philippe Bas.
Ces nominations ne sont valables que si une majorité des trois cinquièmes des commissions compétentes de l’Assemblée ou du Sénat ne s’y oppose pas.
3. Pourquoi la nomination de ses membres est-elle si stratégique ?
Dans le cadre du prochain renouvellement, prévu ce mois-ci, Emmanuel Macron a proposé hier le nom de Richard Ferrand pour succéder à Laurent Fabius à la tête du Conseil constitutionnel.
Une décision d’autant plus sensible que le nouveau président du Conseil restera en poste jusqu’en 2034, une période qui couvre la fin du mandat d’Emmanuel Macron et l’ensemble du quinquennat suivant, alors que plus personne dans la classe politique française n’exclut la possibilité d’une accession au pouvoir de Marine Le Pen, la cheffe de file du Rassemblement national.
Le choix de Richard Ferrand peut faire grincer des dents : c’est un très proche du président de la République et, à la différence de tous les autres présidents du Conseil constitutionnel, ce n’est pas un juriste chevronné.
Richard Ferrand, marcheur de la première heure, est avant tout un homme politique : député PS du Finistère, il a été président de l’Assemblée nationale de 2018 à 2022, après avoir été ministre de la Cohésion des territoires en 2017 (gouvernement d’Édouard Philippe).
Il a été impliqué dans l’affaire dite des Mutuelles de Bretagne, soupçonné de prise illégale d’intérêts alors qu’il en était directeur général, de 1998 à 2012.
4. Quelles sont les réactions politiques quant au choix de Richard Ferrand ?
La présidente du groupe RN à l’Assemblée, Marine Le Pen, a fustigé mardi la « dérive » consistant à « systématiquement nommer des politiques au Conseil constitutionnel ».
« Le Conseil constitutionnel n’est pas une maison de retraite de la vie politique et (il) se doit d’avoir au moins une apparence de neutralité », a poursuivi auprès de la presse la patronne de l’extrême droite, pour qui le Conseil constitutionnel devrait être un « cénacle juridique » et non politique.
Du côté de la gauche, le socialiste Olivier Faure sur Sud Radio a fait part de son « doute sérieux » sur « les compétences juridiques » et « l’impartialité » de Richard Ferrand. « C’est à lui maintenant de les lever et de dire quelles sont les garanties qu’il apporte », a-t-il jugé.
Alain Juppé, membre du Conseil constitutionnel, a défendu de son côté le processus de nomination « équilibré » au Conseil constitutionnel, avec des politiques qui sont « des gages d’expérience ».
« Nous prêtons serment d’impartialité et de neutralité, il faut faire un peu confiance à la déontologie des personnes et il y a un principe que nous respectons qui est le devoir d’ingratitude. Donc nous ne devons rien à la personne qui nous a nommés », a-t-il déclaré sur RTL.
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