Depuis plusieurs élections, les 18-24 ans sont de plus en plus nombreux à glisser le bulletin du Rassemblement national (RN) dans l’urne : 22 % en 2022 et 33 % en 2024. À tel point que le parti d’extrême droite est aujourd’hui le deuxième parti plébiscité par les jeunes. Cette jeunesse longtemps invisible ou en marge des radars n’hésite plus à afficher son soutien au RN. Ce dimanche 6 avril 2025, la manifestation de soutien à Marine Le Pen, six jours après sa condamnation à quatre ans de prison (dont deux fermes) et surtout à une peine d’inéligibilité qui l’écarte de la course à 2027, lui a encore offert une formidable tribune pour se révéler au grand jour.
« Un regain de patriotisme chez les jeunes »
Parmi les « plus de 10 000 personnes » présentes, comme revendiquées par le président du parti, Jordan Bardella, les visages juvéniles étaient certes moins nombreux que les « cheveux gris », mais pas difficiles à trouver. Comme la majorité de leurs aînés, ils n’ont pas hésité à traverser une grande partie du pays pour être présents ce dimanche. Et à se retrouver en groupe : rares sont les militants à être venus seuls.
C’est le cas de Gaël (23 ans), Lucas (18 ans) et Slimane (20 ans). Ces trois jeunes militants ont quitté l’Eure tôt dans la matinée et grimpé dans un des bus mis en place par le RN afin de mobiliser en masse son électorat, bien plus faible à Paris et en Île-de-France qu’en région.
« C’était important pour nous d’être là, de défendre la démocratie et Marine Le Pen », clament les trois jeunes, drapeaux français à la main. Encartés tous les trois depuis plusieurs années au Rassemblement national, ils ont vu la bascule s’opérer depuis de longs mois. « On sent un regain de patriotisme chez les jeunes. Il y en a de plus en plus qui sont fiers d’être français, ce qui était moins le cas avant », juge Gaël, le plus âgé de la bande.
Pour eux, le plafond de verre a été levé lors de l’été 2024. Le parti de Marine Le Pen est en effet arrivé largement en tête lors des élections européennes et en tête du premier tour des élections législatives anticipées, avant d’être battu au second tour par le NFP et la coalition présidentielle. « Une espérance s’est levée. C’est un score historique qui nous a donné encore plus envie d’y croire », explique Gaël. Pour justifier leur propos, les trois Normands prennent pour témoin les dernières adhésions à leur antenne locale. « Ce sont en majorité des jeunes qui nous rejoignent. Ils ont retrouvé une forme d’espérance », nous confient-ils.
Une jeunesse qui assume de plus en plus son identité
Un peu plus loin, sous le soleil de plomb de la capitale, un autre groupe, composé de cinq personnes, toutes âgées de 20 à 24 ans, confirme que les jeunes « occupent plus l’espace » qu’avant. Selon Émile (22 ans), Balthazar (24 ans), Tristan (20 ans), Julien (21 ans) et Gabriel (21 ans), leur génération serait plus sensible « aux nouveaux enjeux » et « moins aux idées préconçues » que celle de ses parents et grands-parents.
Notamment sur la question de l’immigration, le thème favori du Rassemblement national. « On est mis face à la réalité après des années de déni », affirme Tristan. Pour cette jeunesse, exprimer ses idées n’est donc plus tabou et réservé à son cercle restreint. « Avant, on était les bêtes noires. Maintenant, c’est devenu plus facile, car on est en groupe », poursuit le jeune homme venu de Bretagne. « Dans beaucoup de villes, c’est beaucoup plus simple d’afficher son soutien au Rassemblement national », abonde Gaël.
Les jeunes tiraillés entre Marine Le Pen et Jordan Bardella
Pour autant, la méfiance persiste chez beaucoup d’entre eux. Hormis le groupe de Normands, personne n’a accepté d’être photographié ou d’être filmé. « À l’école, on n’assume pas de voter RN, car on veut éviter les problèmes », nous explique Lucas, 20 ans, scolarisé dans un établissement privé du 15e arrondissement de Paris.

Une situation que Claire, 18 ans, a souhaité éviter. Scolarisée en terminale à Orléans, l’adolescente a préféré révéler pour qui elle votait plutôt que de se cacher. « Je me fais traiter de tous les noms, mais au moins, je l’assume ! », dit-elle avec le sourire.
C’est à nous les jeunes d’incarner l’espoir et de relever la France.
Selon Claire, une chose a grandement contribué à démocratiser le vote RN chez les plus jeunes : Jordan Bardella. « Il est ultra-populaire sur TikTok et aujourd’hui, tous les jeunes sont sur les réseaux sociaux, donc ces idées se diffusent plus facilement ». Au point de privilégier le président du parti à Marine Le Pen ? « Oui », selon Claire. Moins chez les autres jeunes interrogés qui se disent attacher à la candidate à la présidentielle. « On vote pour des idées et non pour un nom », dira même l’un d’entre eux.
Source link